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Le Concept d'affordance et conscience de soi à travers l'objet

Dernière mise à jour : 4 mars 2022

L’utilisation d’un objet est un acte souvent intuitif. C’est-à-dire, qu’il ne fait pas forcement recours au raisonnement. En effet, les utilisateurs ont une relation inconsciente avec les choses et leur environnement. Cette intuition, lors de l’utilisation de l’objet, peut être le fait d’un acte naturel presque inconscient ou d’un acte codifié par la culture mais tout aussi inconscient car intégré aux habitudes. Comment arrivons-nous à fonctionner efficacement dans un monde où nous rencontrons des milliers d’objets, parmi lesquels certains ne seront vus qu’une seule fois ? Quand on voit un objet pour la première fois, comment sait-on quoi faire avec celui-ci ? Cette propriété de l’objet à nous informer sur son fonctionnement peut être définie par le concept d’affordance.



Affordance : capacité suggestive d'action d'une chose.




Le concept d’affordance, issu de la théorie gibsonienne (1), décrit les relations entre l’individu et son milieu. Ce terme vient de l’anglais to afford qui signifie « offrir », « être en mesure de faire quelque chose », « offrir des potentialités ». Une affordance est définie par tout élément médiateur qui permet à l’individu de dialoguer et d’interagir avec son milieu. Plus clairement, c’est la capacité suggestive d’actions d’une chose.




Mauvaise affordance : le message indiquant l'action de pousser est en contradiction avec la forme de l'objet.


Ainsi, une affordance peut être un objet (un outil comme un marteau par exemple), une surface (le sol sur lequel je marche), un milieu (l’air). Le concept d’affordance nous indique donc bien que nous interrogeons le monde : nous détectons perpétuellement les informations qui nous renseignent sur quoi nous pouvons agir et de quelle manière. Il y existe deux types d’affordances, les affordances réelles et les affordances perçues. Les affordances réelles sont les suggestions d’action réellement possibles d’être effectuées par l’objet. Les affordances perçues sont ce que l’utilisateur perçoit comme possibilités d’actions de l’objet. L’affordance est relative à l’individu qui l’observe et ne sera pas forcement perçue par un autre individu.


Afin d’illustrer ce point, je reprendrai l’exemple donné par James Jerome Gibson, dans «The theory of affordances ». Dans le cas d’une chaise, un adulte percevra (sans en avoir forcement conscience) que la hauteur de l’assise correspond à la hauteur de ses genoux et qu’ainsi, elle lui permet de s’asseoir. La hauteur de l’assise est donc une affordance qui permet à l’adulte d’effectuer l’expérience de s’asseoir. à l’inverse, si cette même chaise est observée par un enfant de quatre ans, celui-ci percevra la hauteur de l’assise comme un obstacle au fait de s’y asseoir. Ici, l’affordance est relative à la taille de l’individu. Le comportement de l’observateur dépendra de sa perception de l’environnement ramené à lui-même et à ses potentialités.














« An affordance, as I said, points two ways, to the environment and to the observer. […] It says only that the information to specify the utilities of the environment is accompanied by information to specify the observer himself, his body, legs, hands, and mouth. »
"Comme je l’ai dit, une affordance indique deux directions : celle de l’environnement et celle de l’observateur. […] Ceci veut simplement dire que, l’information qui détermine les utilités de l’environnement, s’accompagne toujours d’une information qui détermine l’observateur lui-même, son corps, ses jambes, ses mains, sa bouche. "
James Jerome Gibson, The theory of affordances, art. in Perceiving, Acting and Knowing, 1977.


L’affordance (l’information dans l’objet) aide l’usager à en déterminer l’usage mais détermine aussi l’usager lui-même.

Lors de son apprentissage de la vie, l’enfant commence d’abord à percevoir les affordances pour lui-même. Petit à petit, il apprend à percevoir les affordances des choses pour les autres observateurs aussi bien que pour lui-même. Ainsi, Gibson parle d’un début de socialisation, lorsque l’on perçoit la valeur des choses pour soi aussi bien que pour les autres.

La connaissance de soi passe par différents moyens : l’image, le regard, la répétition de gestes culturels mais aussi par l’objet. Il y a des objets qui ne nous semblent pas faits pour nous, qui nous excluent.

Un petit téléphone avec des touches et un écran de taille réduite, ne sera pas accessible à une personne ayant des problèmes de préhension ou de vue. Par contre, un téléphone adapté à l’usage du déficient visuel (avec de grosses touches, un grand écran, des couleurs vives) pourra véhiculer l’image de quelqu’un d’assisté, et fera référence à l’univers enfantin. Ce téléphone adapté risque de provoquer un sentiment de refus par la personne pour laquelle il a pourtant été conçu à l’origine. La capacité à s’identifier à travers un objet (à travers notre propre capacité à interagir avec celui-ci) me semble donc être susceptible d’être décrit par le terme d’affordance.


Ce concept, particulièrement usité dans les pays anglo-saxons, a notamment été adopté par les communautés d’ergonomie, de design graphique et de design industriel. En effet, l’apparence de l’objet nous fournit des indices cruciaux pour faire l’action appropriée. Le concept d’affordance a notamment été étudié par le designer japonais Naoto Fukasawa. Il tire de la théorie de Gibson, son concept « without thought » (de l’anglais « sans réfléchir »).

Dans une tentative d’application du concept d’affordance dans l’objet, afin que celui-ci assure un confort et une fonctionnalité optimale, il réinterprète l’assise. Il a alors créé une assise déclinée en plusieurs matériaux (plastique, pierre, verre, bois, etc.) nommée « Chair » et éditée par le Vitra en 2007.



De gauche à droite : Material chairs, de Naoto Fukasawa, 2007 / Homme assis sur un marae, Moorea, Polynésie française.


A propos de ces objets il dira : « Mes créations pour la Vitra Edition 2007 tentent de tenir compte des comportements naturels […]. La forme de ces choses servant à s’asseoir rappelle très symboliquement une chaise. C’est ce que démontre également le fait que Vitra leur ait donné le nom de « Chair », même si la limite entre l’objet usuel et l’œuvre d’art est floue ; je crois que cela est caractéristique de l’approche traditionnelle japonaise du design : créer des choses qui ne perturbent pas les comportements naturels perceptibles. Ces comportements et ces objets sont si « normaux » et si « raisonnables » que nous nous disons : « c’est exactement ici que je voudrais m’asseoir ». La seule chose qui peut s’interposer entre cette raison et le comportement normal de l’homme est une intention consciente.

Mais c’est sans réfléchir que l’on fait le meilleur choix » (2).


Il apparait clairement que l’objet stimule la conscience, tout comme la forme et le design. Ressentir la forme (l’objet, la chose) c’est faire appel à toute une combinaison de sens. Parmi ces sens qui nous font prendre conscience du monde, la perception visuelle est la plus utilisée. La texture d’un objet est décodée par le toucher. Le son de l’objet l’est par l’ouïe. L’odeur d’une matière est découverte par l’odorat. Le poids et le volume d’un objet se découvre à travers tout le corps ainsi que par notre perception de l’espace. Le design agissant sur chacun de ces éléments, il est donc probable que cette discipline soit en mesure d’influencer nos habitudes d’achat et que la société de consommation soit impulsée par cette qualité.


Ainsi, les affordances permettent aux utilisateurs de s’adapter naturellement aux choses, aux situations et à l’environnement. En stimulant la conscience de la chose, les affordances de l’objet stimulent la conscience de soi à travers l’objet.

L’affordance donne une information qui permet à l’utilisateur de s’identifier physiquement. à travers, l’affordance l’objet renvoi l’image du corps de l’utilisateur mais aussi l’image de ces capacités psychomotrices.




 

1/ James Jerome Gibson (1904-1979) est un psychologue américain ayant initié le concept d’affordance dans son article The theory of affordances, 1977, article paru dans Perceiving, Acting, and Knowing, Editions Robert Shaw and John Bransford.

2/ http://www. vitra.com/fr-fr/ collage/design/onaffordance/ 27

Blah blah réflexif à propos du design

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